Khlorotrope est un hommage minimaliste aux premières machines optiques comme les phénakistiscopes et autres zootropes qui utilisaient le mouvement rotatif et la persistance rétinienne pour créer une illusion d’animation.
Ici, une lumière créée par des lasers en rotation rencontre un nuage de brume d’eau.
La structure de la brume est alors dévoilée, à demi figée dans son expansion, elle se transforme en animation abstraite qui oscille entre une calligraphie nébuleuse et un paysage fantomatique. La quantité de brume diffusée, la vitesse de rotation des lasers, et leur fréquence de clignotement permettent de créer de multiples variations dans cet univers chimérique.
Si la machine peut fonctionner seule, elle prend tout son sens quand elle est utilisée par un « joueur de Khlorotrope » qui manie les différentes commandes pour se fondre dans l’environnement d’exposition ou accompagner un musicien. La machine devient alors un véritable instrument de lumière.
Photos 4 à 6 et 9 : Marie Dépeux-Hengoat
Dans la directe lignée du Brumascope, première installation de l’artiste mêlant brume d’eau et lumière, le Khlorotrope, s’inscrit dans une recherche personnelle sur l’image et la lumière.
Le Khlorotrope pioche dans différentes influences artistiques : les artistes
« ingénieurs » comme Panamarenko et Jean Tinguely qui ont libéré la machine de son carcan fonctionnel, puis les machines poétiques liées à la musique comme la Dream Machine de Brion Gysin ou les instruments mécanico- robotiques d’Andy Cavatorta.
Toujours dans une idée d’opposition aux boîtes noires numériques actuelles, la machine épouse une forme et un fonctionnement en contradiction avec toute notion de productivité. Elle nous exhibe la totalité de ses composants pour qu’un œil assez curieux et patient puisse l’ausculter et comprendre son fonctionnement.
Dans son fonctionnement, la machine utilise un système de ventilateurs
et de tuyauterie pour pousser un nuage de brume d’eau vers un cylindre
de tubes métalliques verticaux. Une fois à l’air libre, ce nuage va rentrer en confrontation avec des lasers en rotation qui vont l’illuminer. C’est ici que
le joueur de Khlorotrope intervient. Mi-musicien lumineux, mi-pilote d’un voyage imaginaire, il fabrique et nous conte un récit abstrait à travers non pas des notes mais différents réglages de vitesse et de lumière qui génèrent un fragile univers miniature en suspens. Les spectateurs observent les volutes de fumée apparaître, disparaître, évoluer en de multiples formes qui seront interprétées selon l’imagination de chacun, le phénomène de paréidolie jouant avec le public de la même manière qu’un promeneur invente un bestiaire fourni en observant les nuages.